Jeux de société : pourquoi continue-t-on à y jouer ?

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Jeux de société : pourquoi continue-t-on à y jouer ?

Les jeux de société font de la résistance
Les jeux de société font de la résistance
© Getty - Tomekbudujedomek

"Monopoly", "Cluedo", mais aussi "Loup-Garou", "Catan", "Time's Up", "Jungle Speed", ou "Blanc-Manger Coco"... Les jeux de société séduisent de plus en plus les Français. A l’heure des écrans omniprésents, pourquoi ces pratiques ludiques collectives anciennes, un moment ringardes, perdurent ?

Alors que se tenait le Festival International des Jeux à Cannes, le sociologue Vincent Berry, la commissaire du Festival Cynthia Reberac et Maryline Aquino, rédactrice en chef de Ludovox.fr ont répondu à quelques questions d’Ali Rebeihi dans l'émission Grand Bien vous fasse. En direct de Cannes, ils ont décortiqué nos pratiques bien françaises et expliqué pourquoi, à l’heure de nos vies ultra connectées, le jeu de société fait de la résistance.

Un véritable engouement des Français pour les jeux de société

Cynthia Rebérac : "La France est le premier marché européen du jeu de société. Il a crû de 10 % entre 2018 et 2019, soit une augmentation de 418 millions d’euros. 

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Elle donne quelques chiffres pour 2019 : 

  • plus de 23 millions de boîtes de jeux ont été vendues en France
  • plus de 1200 boutiques spécialisées (dont 800 hyper-spécialisées) 
  • 150 cafés ludiques…

On joue différemment selon son âge et son milieu

Vincent Berry : "On parle en France de « jeux de société », alors que les anglo-saxons parlent de « jeux de plateaux ». Et c’est juste : en France, les jeux sont un phénomènes de société. Les joueurs confessent avoir des souvenirs de jeux auxquels ils ont joué enfant, auxquels ils n’ont plus envie de jouer mais auxquels ils jouent quand même une fois adulte, parce qu’ils ont envie de jouer ensemble avec leur famille ou leurs amis.

Dans les études, huit Français sur dix disent avoir fait une partie dans l’année. 

On note une inégalité de culture ludique : on trouve chez les ouvriers la plus forte proportion de personnes qui n’ont pas joué du tout. Et c’est également dans les classes les moins favorisées que l’on continuer à jouer le plus aux jeux "traditionnels" : la belote, les p’tits chevaux, les dames, les échecs… 

Le jeu de société accompagne la vie : il est très présent durant l’enfance, absent au moment de l’adolescence où les téléphones portables ou les jeux vidéos prennent le relais, mais souvent de retour à l’Université. 

Ce que l’on sait aussi : si on a joué enfant, on joue tout au long de sa vie."

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Le jeu de société n’est plus ringard depuis le milieu des années 1990

Vincent Berry : "Dans les années 1970, 1980, on a moins joué aux jeux de société. Puis les jeunes des années 1980 sont devenus grands et ont continué à jouer. 

Une frange des classes moyennes diplômées s’est appropriée la culture des jeux de société et la défend comme un véritable produit culturel. 

C’est aussi ce qu’il s'est passé avec la musique, le cinéma, ou la bande dessinée."

Pourquoi aime-t-on jouer ? 

Cynthia Rebérac : "Pour le plaisir d'être ensemble : en jouant, on se lie aux autres et au moment présent. On se déconnecte de nos portables, tout en s’évadant de notre quotidien. Et lorsqu’on joue, on peut perdre, mais on peut relativiser : ce n’est qu’un jeu ! Et en cas de victoire, le jeu de société permet de se faire plaisir". 

Dis-moi si tu joues et je te dirai qui tu es

Cynthia Rebérac : "Entre autres qualités, le jeu révèle notre personnalité. Pour certaines personnes, c’est très compliqué de se mettre autour de la table de jeu : la crainte de perdre est trop forte ! On a remarqué que la facilité à jouer ou non dépend de sa place dans la société, du statut, et de la catégorie socioprofessionnelle. 

Au moment de jouer, paradoxalement, les masques tombent. 

Généralement, une personne va jouer parce qu'elle pense qu’elle va gagner. Et ça, c'est moins sûr puisque les règles sont les mêmes pour tout le monde. Nous sommes tous égaux autour de la table de jeu".

Maryline Makino : "Il y a parfois aussi une peur de ne pas comprendre les règles. Des gens qui, par ailleurs, sont très intelligents et tout à fait capables de les comprendre, mais à cause de cette appréhension vont préférer refuser la partie plutôt que de se mettre en danger. C'est une question d'ego. Il y a également des personnes qui refusent de jouer aux jeux qui concernent la culture générale."

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Bon pour la santé et le moral

Maryline Aquino : 

Des études ont montré que jouer aidait à maintenir ses synapses en forme. 

"La pratique ludique peut transmettre des valeurs de coopération, aide à s'adapter au changement et à prendre du recul par rapport à ce que nous ne maîtrisons pas."

A quoi joue-t-on ? 

Maryline Makino : "Il existe divers types de jeux. 

  • les jeux dits "à l’allemande", axés sur de la gestion : on essaye de les gérer au mieux… On ne se fait pas des sales coups… L'exemple c'est Catan dans les années 1990. 
  • les jeux dits "à l’américaine" sont des descendants des jeux de rôle, où l'on lance les dés pour de belles histoires. Souvent plus narratifs, ils mettent l’accent sur le fait qu’on vive l’aventure avec de l’aléatoire. 
  • les jeux "à la française" sont au carrefour de tout. Souvent on y trouve un thème fort avec belle direction artistique

Aux côtés des indémodables Scrabble, Monopoly (85 ans) ou Uno, il existe aujourd’hui une myriade de jeux dits « d’apéritifs » : Blanc-Manger-Coco, Jungle Speed, Fiesta de los muertos… Ces petits jeux rapides aux règles très lisibles font le régal des joueurs. Et la tendance est aux jeux où l'on gagne à plusieurs, où la coopération permet la victoire, comme dans les escape games."

🎧  ECOUTER | Grand bien vous fasse sur les jeux de société 

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